Un nouveau rapport de Transparency International constate que l'application de la loi contre la corruption àl’étranger est déplorablement faible dans la moitié des pays du G20, dont le Canada
Toronto, le 13 octobre 2020– Le Canada, avec un niveau d'application de ses lois en matière de corruption étrangère et de fraude pratiquement inchangé depuis 2018, se classe parmi les pires exportateurs mondiaux àcet égard, selon un nouveau rapport publié aujourd'hui par Transparency International. Démontrant une tendance de plus en plus inquiétante, l’écart s’accroît entre le Canada et ses principaux pairs de l'OCDE, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Allemagne, la France et l'Australie.
Exporting Corruption 2020 : Assessing Enforcement of the OECD Anti-Bribery Convention, constate que l'application active contre la corruption étrangère a chuté de manière marquée depuis 2018 dans les pays de l'OCDE et parmi d'autres grands exportateurs.
En tant que grand pays exportateur le Canada se compare défavorablement aux économies comparables au cours la période traitée par le rapport, soit de 2016 à 2019. Le Canada a poursuivi deux nouvelles enquêtes et ouvert un nouveau dossier. Quatre poursuites se sont soldées par l’imposition de sanctions criminelles selon les informations disponibles. Celles-ci sont limitées en raison de l’absence de statistiques officielles publiques sur le nombre d'enquêtes ouvertes.
L'évolution la plus importante survenue au cours de la période couverte par le rapport fut l'entrée en vigueur, en septembre 2018, d'un nouveau mécanisme de résolution de poursuites ajouté au Code criminel, un « accord de réparation » connu dans d’autres juridictions sous le nom d'accord de poursuite différée (ou APD).
En décembre 2019, le Service des poursuites pénales du Canada a réglé des accusations de fraude et de corruption étrangère en Libye contre la firme d'ingénierie Groupe SNC-Lavalin Inc. et deux de ses filiales. Dans le cadre du règlement, une filiale du Groupe SNC-Lavalin Construction Inc., a plaidé coupable à un chef d’accusation de fraude et s’est vu imposer l’amende la plus importante au Canada dans le cas d’une condamnation pour fraude, soit 280 $ millions. La filiale est également assujettie à une ordonnance de probation de trois ans, sous la supervision d’un surveillant indépendant. Les procureurs ont conclu qu'il n'était, ni dans l'intérêt public, ni approprié dans les circonstances d'avoir recours au nouvel accord de réparation dans l'affaire SNC-Lavalin. À ce jour, aucune affaire n'a été réglée au moyen d’un accord de réparation, une situation préoccupante.
« Il y a plusieurs leçons à tirer de l'affaire SNC-Lavalin quant au processus d’adoption du régime des accords de réparation et en ce qui a trait à l’évolution éventuelle de l’application de ce nouvel outil », a déclaré Jennifer Quaid, professeure à l’Université d’Ottawa qui a effectué des recherches au soutien du rapport. « À l'avenir, les Canadiens devraient bénéficier d'une plus grande transparence relatif à l’exercice de la discrétion de procureurs dans les dossiers de corruption. De surcroît, les procureurs ainsi que les entreprises doivent avoir plus de directives sur le fonctionnement et la mise en œuvre du régime des accords de réparation[1]. »
La mise en application limitée par les autorités canadiennes de la Loi contre la corruption d’agents publics étrangers et des lois contre le blanchiment d’argent a fait les manchettes en 2019 en raison de l’affaire SNC-Lavalin et des révélations sur l’ampleur du blanchiment d’argent en Colombie-Britannique. Ces affaires ont mis en lumière des lacunes importantes au Canada tant au niveau des mesures anticorruption que de leur mise en application.
Le régime des accords de réparation a ajouté un nouvel outil répondant à une lacune juridique mais il reste encore beaucoup à faire comme, par exemple, la création d’un registre public et transparent des bénéficiaires effectifs, l’adoption éventuelle d’une infraction pour le défaut de prévenir la corruption au sein des entreprises et la mise en place d’unités d’enquête permanentes spécialisées en mesures de lutte contre la corruption.
« Malheureusement, il persiste au Canada une croyance que la corruption n'est pas vraiment une chose à laquelle les entreprises canadiennes doivent porter attention, soit parce que certaines entreprises ne comprennent tout simplement pas le risque ou pire parce que certaines entreprises pensent qu'elles ne se feront pas prendre », a déclaré le directeur général de TI Canada, James Cohen. « La vérité, c'est que le Canada doit redoubler d'efforts pour s'assurer que nous ne sommes pas un exportateur de corruption, ni une juridiction de choix pour cacher ou blanchir l’argent sale. »
Points saillants supplémentaires du rapport sur l'exportation de la corruption
Seuls quatre pays sur 47, représentant 16,5% des exportations mondiales, ont activement appliqué la législation contre la corruption à l’étranger, contre sept pays et 27% des exportations mondiales en 2018.
Selon le rapport, les plus grands exportateurs mondiaux avec les pires antécédents sont la Chine, le Japon, les Pays-Bas, la Corée du Sud, Hong Kong, le Canada, l'Inde et le Mexique.
Les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suisse et Israël sont les seuls pays évalués qui, selon le rapport, continuent de lutter activement contre la corruption à l’étranger.
Les grands exportateurs non-membres de l'OCDE, la Chine, Hong Kong et l'Inde n'ont pas ouvert une seule enquête pour corruption étrangère entre 2016 et 2019.
Depuis 2018, quatre pays, représentant 12,4% des exportations mondiales, ont enregistré une baisse de performance, tandis que six pays, représentant 6,8% des exportations mondiales, se sont améliorés.
L'Allemagne, qui est le troisième exportateur mondial (avec 7,6 pour cent des exportations mondiales), a mené moins d'enquêtes et fermé moins de dossiers traitant de corruption étrangère. De même, l'Italie, l'un des 10 principaux exportateurs (2,6 pour cent), a également diminué, tout comme la Norvège.
À l'inverse, la France et l'Espagne, qui représentent respectivement 3,5% et 2% des exportations mondiales, ont amélioré leur performance.
Recommandations
Transparency International Canada appelle tous les pays signataires de la Convention anti-corruption de l'OCDE, ainsi que les autres grands exportateurs mondiaux à faire davantage pour lutter contre la corruption transnationale, notamment :
Accroître la transparence des décisions judiciaires ;
Créer un registre centralisé et accessible au public des informations sur les bénéficiaires effectifs ;
Promulguer et publier rapidement les règlements détaillés et les lignes directrices nécessaires pour soutenir la mise en œuvre intégrale du régime des accords de réparation ;
Rendre plus transparente la façon dont les procureurs évaluent les critères d'intérêt public lorsqu'ils évaluent s'il est approprié d'inviter une organisation à négocier un accord de réparation ;
Évaluer l’opportunité de créer une infraction de défaut de prévenir la corruption comme mesure anti-corruption supplémentaire ;
Augmenter le financement et les ressources nécessaires au soutien et à l’élargissement des unités permanentes et spécialisées de mise en application dédiées aux enquêtes sur les affaires de corruption ;
Développer des alternatives au recours au droit pénal afin d’accélérer la résolution d’affaires de corruption, le cas échéant ;
Publier des lignes directrices détaillées et accessibles au public qui élaborent : (1) des normes claires sur ce qui constitue un programme de conformité d'entreprise adéquat, et (2) qui expliquent la nature et l’étendue de la coopération avec les autorités chargées de l'application de la loi attendue de la part des entreprises.
Pour une liste complète des recommandations, lisez le rapport:
https://www.transparency.org/en/exporting-corruption
À propos de Transparency International Canada
Transparency International Canada (TI Canada), établie en 1996, est la principale organisation anticorruption au Canada. Nous sommes la section canadienne du mouvement mondial de Transparency International (TI) qui compte des sections travaillant dans plus de 100 pays et une compréhension et une expertise mondiales inégalées des défis.
À propos de Transparency International
Grâce à des sections dans plus de 100 pays et un secrétariat international à Berlin, Transparency International mène la lutte contre la corruption depuis 27 ans.
À propos de l'exportation de la corruption
Depuis 2005, la série Exporting Corruption de Transparency International classe les pays dans quatre catégories de répression de la corruption transnationale en fonction du nombre d'enquêtes et d'affaires ouvertes par les autorités et conclues avec des sanctions sur une période de quatre ans. Différents poids sont attribués en fonction des étapes de l'exécution et de l'importance des affaires. La part des pays dans les exportations mondiales tient également compte de leur placement.
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James Cohen
Directeur exécutif
Transparency International Canada
Téléphone : 416-488-3939
Courriel : ti-can@transparencycanada.ca
[1] Pour plus d’informations sur les AR, veuillez consulter le rapport de TI Canada Overview of Remediation Agreements in Canada https://static1.squarespace.com/static/5df7c3de2e4d3d3fce16c185/t/5f73e45e5c383345fa626237/1601430625022/Overview+of+Remediation+Agreements+in+Canada+%286%29.pdf